collectif

Contre l'unité

Recueil de textes contre la mythologie unitaire

2010

    Introduction

    La Peur du conflit

    La Complicité, pas la dette

    En quête d’allié-es ?

    Lettre ouverte aux camarades français à propos des arrestations de Tarnac et pas seulement

    Lettre ouverte à quelques anarchistes italiens

    Toucher au cœur

    A propos des manipulations et tergiversations autour de notre compagnon Mauri

    L’Anarchisme contre l’antifascisme

Introduction

Dans ce modeste recueil, on pourra trouver quelques textes, presque toujours liés à des situations et à des contextes particuliers, cependant, si nous les avons réunis ici c’est qu’ils participent tous plus généralement d’une même cohérence antipolitique. Antipoliquoi ?... S’exclameront certains. Une nouvelle théorie à la mode chez les anarchistes de salon ?

L’antipolitique, peu importe le nom qu’on lui donne (il n’aura de toute manière aucune nécessité), est une tendance réelle au sein du mouvement anarchiste international parmi ceux qui luttent et qui font quotidiennement le choix de ne pas sombrer dans les méandres militarisés de la stratégie et de sa tactique au nom desquelles tant ont retourné leurs vestes, prouvant à ceux qui ne voulaient pas y croire à quel point éthique, idées, désirs, individu et rêves pouvaient être bradés sur l’autel de la reconnaissance, de la représentation et de la médiation.

Comment le calcul politicien et sa mythologie unitaire sont capables de transformer des camarades et des compagnon/es en véritables chefs de guerres, avec leurs troupes à placer sur un échiquier, avec leurs alliances nauséeuses. Comment ils réussissent à nous faire conclure des alliances avec ceux sur qui nous crachons en temps normal, qu’il s’agisse de la gauche républicaine et citoyenniste comme de la gauche révolutionnaire et les divers avatars du léninisme. De l’union sacrée de 1914 à la guerre civile en Espagne et la participation au gouvernement anti-fasciste des chefs de la CNT jusqu’au 21 avril 2002 et son front républicain contre Le Pen, de l’affaire Tarnac et ses états d’exception aux collusions entre organisations formelles dites « anarchistes » et organisations et partis réformistes, des assemblées générales du CPE dans lesquelles étaient conviés grévistes, non-grévistes, jaunes aux diverses tentatives de récupérer les idées de compagnons frappés par la répression à des fins idéologiques qui ne sont pas les leurs etc. la liste est longue et ne semble pas vouloir se refréner.

Bien que selon nous, faire de la tactique amène forcement son lot d’erreurs tactiques, dans cette brochure il ne s’agit pas de critiquer les erreurs tactiques de tel ou tel, mais la tactique en tant que telle lorsqu’elle est érigée en totem pour lequel chacun doit sacrifier les idées qu’il porte et qui le porte dans une juste harmonie qu’il devient si commode de violer.

« La fin justifie les moyens », « tout les moyens sont bons »… pour sortir nos camarades de taule, pour faire barrage au fascisme, contre la guerre, pour élargir le faisceau de sympathisants, pour conscientiser les masses, faire connaitre nos idées etc. La ritournelle est connue et reconnue. Mais de la belle époque à nos jours, des anarchistes ont combattu le mythe de l’unité, quitte à le payer cher. Il ne tient qu’à nous de ne plus céder.

Nous préférons perdre en gardant nos idées que de gagner en devenant autoritaires.

« Je ne veux pas troquer une part de maintenant pour une part fictive de demain, je ne veux rien céder du présent pour le vent de l’avenir. » (Albert Libertad)

La Peur du conflit

« Vraiment, ce n’est pas un problème lorsque vous vous raidissez contre moi et affirmez vos distinctions et particularités : vous ne devez pas abandonner ou renoncer à vous-même. » (Max Stirner)

Chaque fois que plusieurs anarchistes se réunissent, il y a des débats, des querelles. Ce n’est pas une surprise, puisque le mot « anarchiste » est utilisé pour décrire un large éventail d’idées et de pratiques souvent contradictoires. Le seul dénominateur commun est le désir de se débarrasser de l’autorité, et les anarchistes ne sont même pas toujours d’accord sur ce qu’est l’autorité, sans parler de la question des méthodes appropriées pour l’éliminer. Ces questions en appellent encore beaucoup d’autres, les polémiques sont donc inévitables.

Les polémiques ne me dérangent pas. Ce qui me dérange est la focalisation à toujours essayer de parvenir à un accord. Il est assumé que « parce que nous sommes tous des anarchistes », nous devons tous vraiment vouloir la même chose ; nos conflits apparents doivent simplement être des malentendus que nous pouvons dissiper, en trouvant un terrain commun. Quand quelqu’un refuse de parler des choses et insiste à maintenir ses différences, on le taxe de dogmatisme. Cette insistance à découvrir un terrain d’entente est l’une des sources les plus significatives du dialogue infini qui prend si fréquemment lieu et place de la lutte pour créer nos vies en nos propres termes. Cette tentative de trouver un terrain d’entente implique le dénigrement de conflits pourtant très réels.

Une stratégie fréquemment utilisée pour dénigrer le conflit est de prétendre qu’un débat est simplement un désaccord sur des mots et leurs significations. Comme si les mots que l’on utilise et la façon dont on les utilise n’ont aucun rapport avec nos idées, rêves et désirs. Je suis convaincu qu’il y a très peu de débats simplement basés sur des mots et leurs significations. Ceux-ci peuvent être facilement résolus si les individus impliqués expliquaient clairement et précisément ce qu’ils voulaient dire. Quand les individus ne peuvent pas en venir à un accord sur les mots à utiliser et comment les utiliser, cela indique que leurs rêves, désirs et leurs façons de penser sont si différents que même dans une langue simplifiée, ils ne peuvent pas trouver un langage commun. La tentative de réduire un abîme si immense à la simple sémantique est une tentative de nier un conflit très réel et la singularité des individus impliqués.

Le dénigrement du conflit et de la singularité des individus peut refléter un fétichisme de l’unité qui provient du gauchisme résiduel ou du collectivisme. L’unité a toujours été fortement estimée par la gauche. Vu que la plupart des anarchistes, malgré les tentatives de se séparer de la gauche, sont simplement des gauchistes anti-étatiques, ils sont convaincus que seul un front uni peut détruire cette société qui nous force perpétuellement à des unités non choisies et que nous devons, donc, surmonter nos différences et nous rejoindre pour soutenir la « cause commune ». Mais lorsque nous nous donnons à cette « cause commune », nous sommes forcés d’accepter le plus petit dénominateur commun de compréhension. L’unité créé de cette façon est une fausse unité qui prospère seulement par la suppression des désirs et des passions uniques des individus impliqués, les transformant en une masse. Une telle unité n’est en rien différente de la formation de la main-d’œuvre qui permet le fonctionnement de l’usine, ou de l’unité du consensus social qui garde les autorités au pouvoir et les gens en ligne. L’unité de masse, parce qu’elle est basée sur la réduction de l’individu à une unité dans une généralité, ne peut jamais être une base pour la destruction de l’autorité, mais seulement pour son assistance, dans une forme ou dans une autre. Puisque nous voulons détruire l’autorité, nous devons commencer sur des bases différentes.

Pour moi, cette base est ma vie - ma vie avec toutes ses passions et ses rêves, ses désirs, ses projets et ses rencontres. De cette base, je ne fais « cause commune » avec personne, mais je peux fréquemment rencontrer des individus avec qui j’ai une affinité. Il se peut que vos désirs et passions, vos rêves et projets coïncident avec les miens. Accompagné d’une insistance à les réaliser en opposition avec toute forme d’autorité, une telle affinité peut être une base pour une unité véritable entre des individus singuliers et insurgés, qui ne durera que tant que ces désirs individuels perdureront.

Certainement, le désir de destruction de l’autorité et de la société peut nous pousser à lutter pour une unité insurrectionnelle à grande échelle, mais jamais comme un mouvement de masse ; au lieu de cela elle devrait être la coïncidence des affinités entre des individus qui souhaitent créer leurs propres vies en leurs propres termes. Ce type d’insurrection ne peut pas émerger de la réduction de nos idées à un plus petit dénominateur commun avec lequel chacun peut se mettre artificiellement d’accord, mais seulement par la reconnaissance de la singularité de chaque individu. Mais cela doit-être une reconnaissance qui embrasse les conflits réels qui existent entre les individus, aussi féroces soient-ils, comme des particules de l’étonnante richesse des interactions que le monde peut nous offrir une fois débarrassé du système social qui nous a volé nos vies.

La Complicité, pas la dette

Base pour une solidarité anarchiste.

Aucun de nous ne doit rien à personne. Cela devrait être un principe directeur derrière toute pratique anarchiste. Tous les systèmes de pouvoir, toutes les hiérarchies et toutes les relations économiques sont justifiés par l’idée que chacun d’entre nous, en tant qu’individu, doit son existence à la collectivité qu’est cet ordre social. C’est une dette sans fin, une obligation éternelle qui ne peut jamais être remplie, qui nous garde enchaînés à un cycle d’activité qui maintient cette société. En tant qu’anarchistes et qu’insurrectionnalistes, notre but est précisément le complet renversement de ce cycle d’activité, des relations sociales qui gouvernent nos vies. Quelle meilleure occasion pour commencer, que le refus absolu du plus basique des principes économiques et politiques : la dette.

Malheureusement, une grande partie de la lutte sociale en cours se base elle-même sur des suppositions économiques et/ou politiques, et particulièrement sur celle de la dette. Les gens parlent de réparations, de dédommagements, d’obtenir ce que l’on nous doit, ce qui est de droit. Cela s’entend même dans la façon dont nous parlons de lutte des classes quand l’idée « de reprendre ce qui nous appartient » est utilisée pour signifier que nous avons un droit parce que nous l’avons « gagné » - c’est-à-dire, l’idée que « le produit doit appartenir à celui qui le produit ». Cette façon de concevoir la lutte des classes reste fermement implantée dans l’économie, qu’il est dans notre intérêt de détruire.

La méthodologie économique et politique de la lutte oppose le privilège au droit. De cette manière, il suppose que l’individu est dépendant d’un pouvoir supérieur, le pouvoir qui accorde les droits et les privilèges (c’est-à-dire, l’ordre social existant). En fait, les droits et les privilèges sont vraiment la même chose : des libertés limitées qu’un pouvoir supérieur accorde à un individu en raison d’une certaine valeur inhérente ou gagnée que ce pouvoir reconnaît en lui. Ainsi, l’opposition du droit et du privilège est une fausse opposition. Elle n’est rien de plus qu’un désaccord sur la façon dont le pouvoir devrait nous valoriser et un appel à lui pour une reconnaissance de notre valeur. Une lutte pour des droits n’est rien de plus qu’une lutte pour se vendre à un meilleur prix. Au maximum de sa radicalité, cela devient la tentative de vendre tout le monde au même prix. Mais certains d’entre nous ne veulent pas être vendus du tout.

L’espèce de « solidarité » que cette méthode de lutte induit est une relation de service basée sur le concept de dette. Quand vous exigez que je renonce à « mon privilège », vous n’êtes pas juste en train de me demander de sacrifier quelque chose à votre conception de la lutte. Plus significativement, vous supposez que je reconnais ce privilège, me définissant en des termes nécessaires pour le gagner, par concession.

Pour utiliser un exemple, disons que vous exigez que je renonce à mon privilège masculin. Il y a quelques suppositions dans cela :

  1. que je me vois essentiellement comme masculin ;

  2. que je possède ce privilège et peut ainsi en disposer comme je le souhaite ; et

  3. que je vous le dois, c’est-à-dire, que j’ai une dette envers vous en raison de ma masculinité.

Mais ce n’est pas le cas, en fait, je ne me vois pas uniquement comme un homme, mais comme un individu unique, comme moi-même.

Vous pouvez répondre avec justesse que cette société sexiste, néanmoins, me perçoit effectivement uniquement comme un homme et m’accorde des privilèges spécifiques qui vont à votre détriment. Mais concrètement nous voyons que je ne possède pas ce privilège, pas plus que je ne possède la masculinité qui m’est accordée. Tout cela m’est imposé par l’ordre social. Le fait qu’ils puissent fonctionner à mon avantage par rapport à vous n’en font pas moins une imposition à moi, à mon individualité. En fait, cet avantage agit comme un dessous de table par lequel les dirigeants de cette société essayent de me persuader de ne pas m’unir avec vous contre lui. Mais ce dessous de table fonctionnera uniquement si je perçois l’avantage du privilège masculin qui m’est accordé par cette société comme étant de plus grande valeur pour moi que ma capacité à définir ma propre sexualité, et créer mes propres relations avec d’autres de n’importe quel genre, et en mes propres termes.

Quand je reconnais cette société comme mon ennemi, je reconnais tous les privilèges et les droits qu’elle accorde à ses ennemis comme des impositions et des limitations qu’elle impose à mon individualité. Puisque le privilège masculin est quelque chose d’accordé et donc, défini et appartenant à l’ordre social, même si nous restons dans la structure économique et politique de la lutte, ce n’est pas moi, mais cet ordre social qui a une dette envers vous. Mais comme nous l’avons vu, les concepts de « privilège » et de « droit » dépendent de l’idée d’un distributeur légitime qui se tient au-dessus de nous et décide de ce que nous méritons. L’ordre social est ce distributeur. Ainsi, il ne peut être dit qu’il vous doit quoi que ce soit. Il distribue ce qu’il possède en ses termes, et si vous n’êtes pas d’accord avec ces termes, cela ne fait pas de vous son créancier, mais son ennemi. Et seulement en tant qu’ennemi de cet ordre social, pouvez-vous être véritablement l’ennemi du privilège, mais alors, vous devenez aussi l’ennemi du « droit ». Tant que vous ne décidez pas de rétablir le « droit » en faisant appel à une autorité supérieure, comme par exemple une meilleure « société future », vous serez en position de pouvoir enfin commencer la lutte pour faire de votre vie votre propre vie. À ce niveau de conflictualité totale à l’ordre social existant, nous pouvons nous rencontrer et nous unir dans la vraie solidarité, basée sur la mutualité, la réciprocité et la complicité, unissant nos efforts pour renverser cette société.

En fin de compte, toute forme de solidarité qui repose sur des bases politiques et économiques – la dette, les droits et les devoirs, le sacrifice et le service – ne peut être considérée comme de la solidarité, au sens anarchiste. D’une perspective économique et politique, la « liberté » est un terme quantitatif se référençant simplement à la baisse des restrictions. Cette vision est résumée dans la déclaration : « votre liberté s’arrête là où commence la mienne ». Cette « liberté » est celle des frontières et des limites, de la contraction et du soupçon - la « liberté » sacrée de la propriété privée. Elle fait de chacun d’entre nous le maton de l’autre – une triste base pour la solidarité.

Mais la conception anarchiste de la liberté est quelque chose de qualitativement différent de la restriction. C’est notre capacité, celle des individus, à créer nos vies en nos propres termes dans la libre-association avec d’autres de notre choix. Quand nous concevons la liberté de cette façon, il y a le potentiel de se rencontrer d’une telle façon que la liberté de chacun d’entre nous s’étend quand elle rencontre la liberté de l’autre. C’est la base de la mutualité ; notre vivre ensemble améliore chacun de nous. Mais dans le monde tel qu’il existe actuellement, il y en a beaucoup avec qui une relation de mutualité n’est pas possible. Ceux qui détiennent le pouvoir social et politique, ceux qui conservent la richesse comme leur propriété sacrée, ceux dont la tâche sociale est de maintenir l’ordre de la domination et tous ceux qui passivement supportent cet ordre limitent ma liberté, sapent ma capacité à créer ma propre vie en mes propres termes et de librement m’associer avec d’autres pour réaliser ce but. Les maîtres de ce monde et leurs chiens de garde imposent leurs termes à ma vie, me forçant à des associations prédéterminées. La seule relation possible avec eux et avec l’ordre social qu’ils soutiennent est l’inimitié, l’hostilité totale et permanente. Je découvre la base pour la mutualité précisément dans ceux qui sont les ennemis des dirigeants de ce monde et de leurs laquais, ceux qui s’efforcent de reprendre leurs vies et de les vivre selon leurs propres termes. Et c’est là que la mutualité - le principe que la liberté des autres étend la mienne - devient la complicité. La complicité est la réunion d’efforts dans le but d’étendre la capacité à l’autodétermination individuelle contre ce monde de domination.

C’est la reconnaissance active que la rébellion spécifique d’autres étend ma propre liberté, qui me permet de trouver des façons d’agir ensemble avec ces autres contre les forces de domination et le contrôle social. Il n’est pas nécessaire de connaître personnellement ces autres, ils peuvent très bien porter leurs luttes une moitié de globe plus loin. Il est seulement nécessaire de reconnaître notre propre lutte dans la leur et d’avoir une action appropriée là ou nous sommes. Ni par charité, ni par sens du devoir, mais pour nous-mêmes.

« Nous ne nous devons rien, pour ce que je semble vous devoir, Je dois surtout à moi-même. »

En quête d’allié-es ?

Que ce soit suite à l’affaire autour du groupe marxiste-léniniste « secours rouge »[1] ou dans le cas du comité de soutien aux « 9 de Tarnac », nous avons vu des élans de solidarité se confondre avec des collaborations pour le moins douteuses.

Que des gauchistes indignés - toujours prêts à réclamer un meilleur fonctionnement de l’Etat, sans jamais remettre en cause ses structures - sautent sur le nouvel os à moelle qui pourra les aider à placer leurs pions sur l’échiquier politique ou qui occupera leurs dimanche après-midi, c’est une chose. Mais que des camarades, des compagnons ou des amis s’enlisent aussi dans des discours vaseux au point de ne plus voir ce qu’ils pourraient faire d’autre et d’oublier qu’ils ont aussi des idées à avancer, ça, ça fait mal.

Au secours… des rouges

« Si les épigones des forces autoritaires qui ont étouffé tant d’élans subversifs sont, en tant que nombre et projet, mal en point, pourquoi les aider à sortir de leur désastre ? Pourquoi s’attarder parmi les momies alors que le vent souffle fort ? Eux, font des calculs politiques, nous pas. » (anonyme, dans « A l’air libre »)

Bien que semblables dans leurs dynamiques, ces deux manières de rallier des gens autour d’une certaine « solidarité » diffèrent quelque peu dans leurs discours.

Pour le secours rouge, rien ne change :

« Nous avons un ennemi de classe commun à affronter et nous règlerons nos différents politiques plus tard. »

Tant pis s’il faut faire le grand écart pour accepter la défense de certaines associations citoyennes retirant les idées révolutionnaires des inculpés pour en faire de simples victimes du déni du droit à l’expression. Tant mieux si quelques anti-autoritaires se joignent à eux. Tant que ça sert la Cause, tout est bon dans le cochon.

Rien de bien neuf donc, on ne change pas une équipe qui perd. C’est déjà comme ça que le parti communiste révolutionnaire et son komintern avaient justifié le retour à un discours « classe contre classe » dans les années ’30. Discours qui trouve sa forme la plus claire dans le texte Appel aux fascistes.[2] Ce texte, écrit en 1936 par Togliatti, tend explicitement la main aux « camarades fascistes » qui ont eux aussi comme ennemi les « requins capitalistes ». Par moment cela donne ce genre de chose :

« Les communistes adoptent le programme fasciste de 1919 (ndlr : édicté par Mussolini) qui est un programme de liberté. (…) Travailleur fasciste, nous te donnons la main car nous voulons construire avec toi l’Italie du travail et de la paix, nous te donnons la main car nous sommes, comme toi, des fils du peuple, nous sommes tes frères, nous avons les mêmes intérêts et les mêmes ennemis. »

Voilà, ce que l’idée de « l’alliance objective » peut parvenir à faire quand on ne prend qu’un critère pour lutter.

Pour ce qui est de la postposition de la résolution des conflits politiques, merci, mais les exemples de la guerre d’Espagne de 1936, de Cronstadt ou de la Makhnovstchina nous ont déjà enseigné à refuser ce genre d’alliance. Et puis, plus simplement, peut-on lutter ou apporter son soutien à des gens qui veulent instaurer un régime qui ne peut être que totalitaire de par les structures qu’ils proposent (parti révolutionnaire, politburo, prépondérance du travail,…) ? Un régime qui gardera des prisons ou des « camps de rééducation » –selon le jargon- pour les déviants et autres incontrôlés ?

Mais alors, comment des camarades aux idées anti-autoritaires ou luttant pour l’auto-organisation peuvent-ils se joindre aux différentes manifestations de soutien (rassemblements, soirées-concerts, émissions radio,…) au secours rouge ? La réponse est probablement à trouver partiellement dans des vieux restes d’un à-priori d’unité ou de proximité entre « révolutionnaires », dans une vieille image du front populaire s’affrontant à la droite fasciste et réactionnaire. Et pourtant, tout a déjà été dit cent fois et beaucoup mieux que par moi :

« L’unité anti-fasciste n’a été que la soumission à la bourgeoisie… Pour battre Franco, il fallait battre Companys et Caballero. Pour vaincre le fascisme, il fallait écraser la bourgeoisie et ses alliés staliniens et socialistes. Il fallait détruire de fond en comble l’Etat capitaliste(…) L’apolitisme anarchiste a échoué. » (Los amigos de Durruti, 1937)

Le comité très visible

Du côté des comités de soutien,[3] c’est une logique assez similaire, mais, en apparence en tout cas, moins marquée idéologiquement. Étant donné la largeur et les différences flagrantes entre les personnes impliquées dans ceux-ci, nous parlerons ici uniquement de la schizophrénie des camarades impliqués dans ces comités.

Ici, la logique de départ peut plus ou moins se résumer en ces quelques mots :

« Des amis ou des camarades se retrouvent en prison, merde, vite, vite il faut faire quelque chose pour les en sortir. »

La dynamique qui s’ensuit, elle, mérite bien quelques paragraphes.

Partant du constat qu’on n’est pas nombreux et d’une drôle d’idée que ça serait le nombre qui compterait ; il leur faut trouver un point d’attaque pas trop fâchant qui permettra de rallier des gens. Et pour ça, quoi de mieux que de feindre l’indignation face aux dits « abus » de l’Etat (ici via les lois anti-terroristes) ? C’est assez large comme critère. En temps voulu le bouchon sera poussé jusqu’à dénoncer l’incessante « dérive du droit » ; laissant supposer que le droit en soi serait une chose neutre et que seule son application serait problématique.

Et puis, toujours dans cette course au nombre, et vu que les moyens mis en place sont trop faibles face à la hauteur de la situation, on va aussi aller chercher quelques intellectuels de gauche, ça donne du crédit ça. Tant pis si cela ouvre grand les portes au crédit de leurs positions politiques social-démocrates. « On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs », comme disait ma mère.

En outre, par soucis de « rétablir la vérité » auprès de cette fameuse « opinion publique », certains donneront des interviews à des journaux ayant directement participé au grand spectacle médiatico-policier du 11 novembre en reprenant allègrement les thèses de la police et en étalant dans leurs pages la vie de certains des inculpés. Là encore, comme si le moyen de la presse officielle était neutre. Comme si on ne savait pas que pour que l’article soit accepté il allait falloir s’auto-censurer sur des propos trop « vindicatifs » ou que le journaleux n’allait finalement garder que ce qui irait dans sons sens (ou, s’il est sincère, que ce qu’il peut comprendre ou ce que lui déciderait comme ayant de l’importance) pour remplir le nombre de signes demandés par son rédacteur en chef ; noyant alors ces propos dans le flot d’informations insignifiantes quotidien. Parce que c’est là aussi la magie de la démocratie, la puissance à pouvoir tout pacifier ou à laisser tout dire tant que les mots restent des mots et n’appellent pas aux actes.

Stratégie quand tu nous tiens

Ces deux dynamiques partent d’un constat ou d’une crainte qui concerne chaque (groupe de) personne ne suivant pas le cours tranquille de la vie « normale » : comment ne pas se retrouver isolés et donc plus faible ? C’est sur les réponses données à cette question que nous différons.

Selon les deux stratégies rapidement énoncées auparavant, sortir de l’isolement signifierait s’adresser à l’opinion publique. Et souvent cette démarche est accompagnée d’une réserve pour ne pas « brusquer les gens ». Dans un premier temps, on va dire ce qu’on pense qu’ils peuvent entendre (le secours rouge a au moins ça pour lui qu’en tant que tel il est toujours clair sur ses positions, mais par contre il est moins rigoureux sur le choix de ses alliés). Position particulièrement arrogante dans le sens où elle part du présupposé que ce qu’on vit est tellement différent que peu de personnes peuvent s’y reconnaître.

Or, la répression et le sentiment d’insatisfaction face à ces vies perdues sont assez répandus. C’est parler de ce vécu commun et le replacer sur un terrain de lutte qui pourrait éveiller non pas l’indignation, mais la rage auprès de la dite « opinion publique ». Mais, bien que l’on aime pas se l’avouer, c’est bien souvent le spectre du « prisonnier politique » qui, même sous une forme ammoindrie, continue à planer au-dessus de nos têtes.

Si cette position ne nous semble pas être un point de départ intéressant pour s’affronter à la répression, elle est d’autant moins tenable qu’elle nous amène très vite à mentir,[4] à cacher des choses, à éluder des sujets ou à affirmer des idées qu’on ne pense pas. On va tantôt nier sa position de révolté, renier des connaissances, ou encore s’indigner face aux « abus policiers », aux « lois liberticides » et au « non-respect des procédures judiciaires » … Tout en sachant très bien que ce ne sont pas des « dérapages » du système, mais des méthodes inhérentes à celui-ci et que dans le négatif de toutes ces plaintes peut se lire une demande de remise à flot de l’épave de l’Etat de droit alors que nous pourrions encore lui envoyer quelques boulets de canon.

Loin d’être une déduction abstraite de notre part, ce désir d’un Etat qui respecterait ses propres règles en tant que garant du bon fonctionnement de la démocratie est d’ailleurs tenu ouvertement par des intervenants invités lors de soirées de soutien, des signataires de carte blanche ou des associations ayant écrits des communiqués de soutien (auxquels on donne du crédit en les diffusant). Preuve flagrante du consensus mou sur lequel se base cette alliance et de l’impossibilité de tenir un discours proche de nos idées.

De même la carte de l’innocentisme jouée à tout crin relève de l’escroquerie intellectuelle. S’il ne s’agit pas de revendiquer des actes restés anonymes, pousser le bouchon jusqu’à essayer de faire croire que c’est parce qu’on est épicier, parce qu’on traduit un texte ou parce qu’on vit en communauté que la répression s’abat sur nous est une fausse analyse de la répression distillée de manière consciente afin d’atteindre ses objectifs. En effet, la répresion ne s’acharne pas sur chaque petit commerçant, ni sur les traducteurs de l’Union Européenne et pas même sur un quelconque hippy ayant rejoint la campagne. Ou, tout du moins, si elle le fait ce n’est pas pour ces raisons. Ce qui est attaqué dans ces deux affaires ce sont des liens, des idées et des pratiques relevant d’un discours reconnu comme étant « révolutionnaire ».

Faire passer l’outil répressif pour un ramassis de flics et de juges débiloïdes en caricaturant certaines de leurs incapacités - mis à part que ça nous permette de bien rire entre potes - ne permet pas de le considérer pour ce qu’il est. On ne montre que les traits grossiers d’une machine visant à mettre au pas la contestation sociale, alors que le caractère totalitaire du contrôle est bel et bien plus finaud. (carte d’identité, registre national, biométrie, fichiers permettant les bases de données, surveillance téléphonique,…)

Là où nous voyons l’impasse de ce genre de stratégies (au-delà du fait qu’elles ne soient justement que pures stratégies et qu’elles n’émanent pas de ce que nous sommes, de ce que nous portons, de ce que nous ressentons) c’est que, si elles permettent de rallier beaucoup de gens (ce qui reste encore à démontrer), les unions se font sur de fausses bases ou sur un ensemble de positions qui restent les unes à côté des autres. Et, soit, on reste avec l’insatisfaction d’un discours édulcoré pour cause d’alliance foireuse, soit les dissensions pointent le bout du nez au moment où tombent les masques. Cette constitution d’une « force collective » apparaissant alors pour ce qu’elle est : une illusion.

A moins que vous (et votre groupe de camarades) ne vous considériez comme un super stratège qui aura, après une première phase de préparation, réussi à « radicaliser les masses ». Mais il faut être bien malin pour y parvenir sur la longueur. Et, quand bien même, nous n’envisageons pas notre implication dans les mouvements ou dans les luttes comme celle de personnes venant apporter la lumière à la plèbe ignare. Non, malgré nos différences, nous nous plaçons d’égal à égal avec les personnes rencontrées. Nous recherchons des complices pas de la pâte à modeler. Des complices avec qui partager des idées/pratiques et avec qui nous pourrons peut-être faire un bout de chemin ensemble au-delà de cette lutte spécifique. Et s’il est vrai que la question de la forme selon laquelle nous partageons nos idées afin qu’elles puissent être accessible est pertinente, le fond, quant à lui, ne change pas au gré du vent ou selon les circonstances des forces en présence.

Sans quoi, et nous ne l’avons que trop expérimenté, toute l’énergie déployée ne viendra qu’alimenter les luttes partielles visant à un aménagement du système, vu que nous-mêmes nous n’aurons pas porter une critique plus globale en partant d’une situation spécifique (prison, sans-papiers, lois liberticides,…)

Sortir de l’isolement

Agir entre convaincus alors ? Certainement pas ! Mais agir sur des bases claires qui permettent de rencontrer des compagnons de lutte (et plus si affinités) et à faire exister nos réelles idées. Parce que nous ne nous sentons pas plus forts quand nous sommes nombreux sous une banderole faible.

Pensons-nous être si exceptionnels -que nos idées soient tellement farfelues - au point que personne ne pourrait nous comprendre ?

En ces temps de grogne de plus en plus généralisée, rien n’est moins vrai. Les oreilles et les esprits sont probablement plus ouverts aux remises en question. Encore nous faut-il savoir saisir les occasions et mettre en avant nos idées de manière décomplexée.

Il ne s’agit pas de se doter d’une parure radicale, ce n’est pas non plus un appel au repli identitaire. Nous disons juste que tout n’est pas que stratégie. Que les moyens ne sont pas neutres et que, même s’ils peuvent aider à sortir des camarades de prison, certains d’entre eux nous affectent et laissent des traces.

Certains diront que ce texte relève de la discussion interne, que nous hurlons avec les loups de la meute policière. Nous affirmons que quand tout est étalé dans la presse officielle (tant par les journaflics que via la collaboration active de certains inculpés, membres de comités, parents,…) cete considération devient une chimère. Par ailleurs un « mouvement » qui ne laisse pas de place à des tentatives d’auto-critiques et reste campé sur ses certitudes est sclérosé et ne nous intéresse pas.

Lettre ouverte aux camarades français à propos des arrestations de Tarnac et pas seulement

Nous savons combien il est douloureux d’être séparés de ses propres camarades, et nous n’avons ni recettes ni leçons à donner sur la manière de les faire sortir le plus rapidement de prison (les faire sortir tous, en laissant tomber toute distinction entre « innocents » et « coupables »). Les notes rapides qui suivent sont le fruit de quelques réflexions nées à partir de différentes expériences répressives vécues en Italie, en espérant qu’elles puissent être utiles aux camarades français.

Les arrestations de Tarnac représentent un fait grave non seulement en tant qu’attaque contre tous ceux qui se battent déjà, en critique et en pratique, contre l’Etat et le capital, mais aussi en tant que tentative d’intimidation contre tous les complices potentiels d’une guerre sociale plus diffuse.

En fait, la répression vise à frapper, au-delà d’actes particuliers, les « mauvaises intentions », jouant ainsi un rôle pédagogique fondamental destiné à vider de sa potentialité la disposition à la révolte de tout un chacun. L’invention de « cellules terroristes » ou de « mouvances » à l’identité quelconque sert à isoler toute hypothèse insurrectionnelle de l’ensemble des pratiques de conflictualité existantes, séparant en même temps tout révolté de soi-même et de ses propres potentialités. La pédagogie de la répression est toujours une pédagogie de la peur.

La tentative de transformer des affrontements dans la rue, des actions anonymes de sabotage, des textes théoriques, des rapports de solidarités en une « association terroriste » avec autant de cellules, de chefs et de suiveurs est malheureusement un film qu’on a déjà vu de nombreuses fois en Italie. Le problème de l’Etat est évident : pour tenter de liquider certaines pratiques subversives et les « mouvements » qui les défendent ouvertement, des accusations basées sur des délits spécifiques ne suffisent pas. Il s’agit alors d’inventer des « délits associatifs » pour pouvoir distribuer des années et des années de prison sans avoir recours à cette formalité archaïque qui s’appelait preuve. Nombre d’entre nous ont ainsi subi des procès, des années de détention préventive et parfois aussi de lourdes condamnations. Même s’il ne réussit pas souvent à soutenir jusqu’au bout ses propres enquêtes, l’Etat se donne en même temps des objectifs parallèles : briser des rapports, interrompre le fil de l’activité subversive, tester la capacité de riposte des camarades etc.

En France, les actions de sabotage et les affrontements avec la police ne datent certes pas d’hier. Ce qui a effrayé l’Etat ces dernières années a été, à notre avis, l’émergence d’une complicité possible - dans les mots et les actes - entre différentes formes de révolte sociale, ainsi que l’affinement et la diffusion de discours qui revendiquent publiquement les pratiques d’une insurrection possible. Bien entendu, l’Etat ne craint ni le discours révolutionnaire tant qu’il se limite à jouir d’une liberté de parole abstraite, ni en fin de compte une attaque particulière : ce qu’il craint est l’imprévisibilité de l’attaque diffuse et le renforcement réciproque des paroles et des gestes. Ce qui a été pendant longtemps une position défendue par bien peu d’individus commence à ressembler à un « marécage » (pour reprendre l’expression efficace utilisée par l’unité « anti-terroriste » des carabiniers italiens il y a une douzaine d’années), difficilement identifiable et gouvernable. L’Etat veut assécher ce marécage pour en sortir des chefs, des « organisations », des prétendues « mouvances » avec autant de sigles, de porte-paroles, etc.

Si le conseil que Victor Serge donnait aux révolutionnaires pris en otage par l’ennemi est toujours valable (« tout nier même l’évidence »), il est nécessaire de savoir lire la répression afin de relancer et de renforcer notre perspective. Nous savons tous que la gauche (et sa gauche) a toujours été l’ennemi historique de toute lutte insurrectionnelle : partis et syndicats, récupérateurs, médiateurs, intellectuels conseillers des Princes modernes, alliés rusés de la répression, habiles à diviser en « bons » et « mauvais ». Dans des circonstances particulières et face à une « Justice injuste », ils peuvent même aller jusqu’à défendre les camarades qui les ont toujours attaqués. Permettre que ces charognes réacquièrent la moindre force à partir de nos incarcérés est une erreur qui n’est pas sans conséquences.

Qu’il n’y ait pas que des camarades qui s’opposent aux crapuleries de l’« antiterrorisme » mais un milieu plus large comporte des aspects positifs (c’est le reflet du constat effrayé que la terreur d’Etat nous écrase chaque jour davantage). Mais notre perspective n’avance que dans la clarté avec les autres exploités et rebelles, c’est-à-dire dans une ferme inimitié envers la gauche et ses medias. Pour le dire autrement, la manière de réagir à la répression fait aussi partie de cette guerre sociale qui n’admet pas de trêve. En n’assumant pas et en ne défendant pas certaines positions, on cède du terrain à l’ennemi. La solidarité démocrate et l’espace dans les journaux ne s’offrent jamais gratuitement : aujourd’hui, ils servent non seulement à la gauche pour se réhabiliter aux yeux de tous ceux qui sont à couteaux tirés avec l’existant (« Vous voyez ? au bout du compte nous sommes d’accord... »), mais aussi à neutraliser toute position de rupture radicale avec le présent (certains excès de jeunesse peuvent aussi être pardonnés...).

Face à des enquêtes similaires (ou encore plus lourdes), la réponse que de nombreux camarades ont donné en Italie a été très simple : « Nous ne savons pas qui a fait les choses dont vous nous accusez, messieurs ; ce que nous savons, c’est que nous les défendons ouvertement, et que vos enquêtes n’éteindront pas les feux de cette révolte sociale qui n’a pas attendu nos textes pour se propager ». Une telle réponse - liée aux pratiques qui en découlent - nous a permis de sortir de prison en reprenant le fil de notre activité. Une telle réponse ne trouvera certainement pas des alliés chez les médias et les intellectuels démocrates ; et surtout, elle ne leur permettra pas de parler en notre nom.

Certaines paroles claires trouvent toujours des oreilles disposées à les écouter. Emprisonnées, les paroles forcent parfois les chaînes, émergeant des parties les plus mystérieuses et communes de l’expérience et du cœur. La force qui découle du fait de s’insérer dans leur jeu et dans leur discours, avec la prétention de l’exploiter ou de le détourner à ses propres fins, est illusoire. Nous n’avons même pas le sens des mots en commun avec notre ennemi - ni celui de bonheur, ni de temps, ni de possibilité, ni d’échec ou de réussite.

Il y a des positions de rupture qui se sont révélées utiles, y compris au plan judiciaire, tout comme il y a des camarades qui ont passé un an en prison pour quelques tags sur les murs : il n’existe pas de science exacte en la matière. La tension vers la cohérence entre les moyens et les fins pose le problème de l’efficacité en d’autres termes, c’est-à-dire par rapport à la vie pour laquelle nous nous battons. « S’il y a des innocents qui méritent notre solidarité, il y a des coupables qui la méritent encore plus », disait Renzo Novatore. Les camarades solidaires ont souvent trouvé dans ces paroles un terrain plus favorable pour agir, pour continuer là où certains ont été provisoirement arrêtés, et pour découvrir de nouveaux complices...

Nous avons bien une certitude : l’insurrection qui vient ne lit pas Libé.

Quelques anarchistes italiens, février 2009.

Lettre ouverte à quelques anarchistes italiens

Suite à la « Lettre ouverte aux camarades français. A propos des arrestations de Tarnac et pas seulement » parue sur différents sites (dont les Indymedia) le 27 février 2009 et signée par « Quelques anarchistes italiens », nous avons souhaité poursuivre le débat.

Nous venons de finir de lire la lettre que vous nous avez adressée, ainsi qu’à tous les camarades français. Nous l’avons lue avec plaisir, y retrouvant de nombreux points dans lesquels nous nous reconnaissons. Nous l’avons lue avec attention, parce qu’elle provient de ceux qui ont malheureusement dû affronter avant nous et plus que nous la répression. Mais disons-le tout net, elle nous a aussi laissé un goût amer et provoqué une certaine gêne. On a envie de vous demander : à qui est-ce que vous parlez ? De quoi est-ce que vous êtes en train de parler ? Comme votre lettre s’adresse aux camarades français et formule des critiques précises contre la dérive « »innocentiste » qu’a pris la mobilisation en faveur des arrêtés de Tarnac, nous ne voudrions pas qu’on pense en Italie que « les camarades français » sont tous occupés à recueillir des signatures en compagnie d’intellectuels de gauche poussifs, en vue de remettre aux autorités compétentes autant de certificats de bonne conduite.

S’il est exact que certains camarades ont décidé de transformer ce qui, à notre et à votre avis, devrait être une lutte contre la répression en une lutte de défense de certains réprimés, il est aussi vrai qu’il s’agit de leur choix, et qu’il n’est pas partagé par l’ensemble du mouvement français.

En France, la répression avait malheureusement auparavant déjà frappé d’autres camarades, et n’a donc pas débuté le 11 novembre dernier. Heureusement, les sabotages ont continué après cette date ; ils n’ont pas été arrêtés. Tarnac n’est pas le centre de la France, pas pour l’Etat, et encore moins pour l’insurrection. Ce n’est qu’un épisode, et il risque de prendre des accents toujours plus pathétiques. Comme vous le faites à juste titre observer, les « mauvaises intentions » sont le véritable objectif de la répression. Ne réussissant pas à prévenir les attaques, elle cherche à arrêter la diffusion de discours qui revendiquent publiquement la nécessité et la possibilité d’une insurrection (des discours qui alimentent et sont alimentés par l’action, en un jeu continu de vases communiquants).

Ce qui est grave avec les arrestations de Tarnac, ce n’est pas tant le comportement de l’Etat qui, pour les raisons que vous avez clairement exposées, vient frapper parmi nous. Au fond, les juges et les flics ne font que leur sale boulot. Ce qui est grave, c’est que face à cela, on renie publiquement ces « mauvaises intentions » et ces discours, qu’ils soient banalisés en passant pour de la simple « passion pour l’histoire » d’un « épicier ». Ou encore qu’on accepte jusqu’au bout d’endosser le rôle de « braves garçons » (au blason doré et aux références adéquates, mais aussi disposés à dialoguer avec les journalistes et les politiciens, en somme leur place n’est pas en cellule), à ne pas confondre avec de « méchants voyous » (qui n’ont pas de saint patron, qui restent muets face à leur ennemi, en somme méritant de pourrir en prison). Cela, vous pouvez en être sûrs, nous fait beaucoup plus mal que la séparation physique momentanée de certains camarades.

Beaucoup d’anarchistes italiens étant connus pour leur intransigeance, nous avons été étonnés et aussi un peu frappés par l’empressement et la prudence avec lesquels vous nous formulez vos remarques (les Alpes sont-elles vraiment si hautes pour que vous vous cantonniez à adresser un blâme en France à ce que vous mépriseriez en Italie ?). Vous en arrivez même à nous mettre bénévolement en garde contre des « erreurs ». Quelles erreurs ? Désolé, nous avons bien peur que vous vous mépreniez : il n’y a eu aucune erreur dans la mobilisation en faveur des arrêtés de Tarnac. Elle a précisément choisi son camp.

De ce point de vue, votre invitation à « savoir lire » la répression, liée à la citation de Victor Serge, est un authentique lapsus. C’est justement parce qu’ils ont bien lu Victor Serge (lui qui, inculpé dans le procès des illégalistes connus sous le nom de bande à Bonnot se défendait en se définissant comme un intellectuel qui n’avait rien à voir avec de vulgaires criminels) que certains camarades français ont suivi le chemin de la défense ad personam. Ils n’ont fait que mettre en pratique l’idée répandue selon laquelle il faut s’organiser à partir de situations, que dans chaque situation on peut faire des alliances, que dans la guerre contre l’Etat il ne faut pas avoir de scrupules moraux ou s’encombrer d’une éthique, et qu’il y a uniquement des stratégies à appliquer. Est bon ce qui fait sortir les camarades de prison, est mauvais ce qui les fait y rester. Point barre.

Là où l’éthique implique la totalité de l’existence humaine, la politique agit sur certains de ses fragments singuliers. L’opportunisme est une de ses constantes parce qu’elle intervient en fonction des circonstances. Lorsque ces dernières sont favorables, on peut bien être cohérent. Mais lorsqu’elles sont défavorables… C’est pourquoi l’opportunisme se manifeste surtout en situation de crises ou d’urgence. Le camarade qui rencontre un fonctionnaire d’Etat (par exemple une ex-ministre), poussé par l’urgence d’une procédure judiciaire (il faut sortir de prison), n’est pas si différent du camarade qui rencontre un fonctionnaire d’Etat (par exemple un maire), poussé par l’urgence d’une lutte sociale (il faut arrêter une nuisance), et tous deux sont fils du camarade qui est devenu fonctionnaire d’Etat (par exemple ministre de la Justice), poussé par l’urgence de la guerre (il faut faire la révolution). Dans ces trois cas, on fait le contraire de ce qu’on dit en se prévalant de bonnes raisons (ô combien pratiques ! ô combien concrètes !) et des meilleures intentions du monde. L’urgence brise le déroulement normal des événements, bouleverse tout point de référence, suspend l’éthique et ouvre grand la porte aux contortionismes de la politique.

Tout cela est évident, c’est quasi banal, mais uniquement pour ceux qui pensent que les idées et les valeurs ne font pas partie intégrantes de l’être humain, et lui sont extérieures, comme de purs instruments à utiliser en fonction des occasions. En revanche, si on pense que les circonstances auxquelles la réalité nous confronte peuvent aussi s’avérer différentes et contradictoires, mais que nos pensées, nos rêves et nos désirs sont uniques, il devient difficile de nier que c’est justement dans les moments de crise ou d’urgence qu’il faut tenter de rester soi-même. Une partie toujours ouverte, pleine d’imprévus et d’obstacles, dans laquelle il est malheureusement facile de trébucher et de tomber. Et dans ce cas-là, que fait-on ? On se relève en essayant d’apprendre de ses faux pas, ou on commence à ramper en se vantant de son habileté tactique ?

En fin de compte, l’insurrection en tant que telle n’est qu’une situation exceptionnelle. Cela n’a aucun sens de se comporter en chevalier de l’Idée hors des moments de rupture si, dès qu’ils ont lieu, on se rend compte à l’improviste n’être que des placiers de la Convenance. Ce serait comme proclamer être à couteaux tirés avec l’existant pour arborer ensuite un crochet avec lequel broder des rapports avec ses défenseurs et ses faux critiques. En somme, ou bien on pense que les fins et les moyens forment un tout (c’est l’interprétation éthique de la lutte) ou bien on pense que les fins et les moyens sont séparés (c’est l’interprétation politique de la lutte). Laissons les voies du milieu, comme celles qui proposent des moyens sans fin, aux fumisteries philosophiques.

Chacun est clairement libre de choisir la manière qu’il préfère pour s’en sortir (sans prétendre pour autant qu’on lui doive le respect, ni que l’amitié demeure inchangée). Malgré tout, nous pensons qu’il est plus que jamais nécessaire d’endiguer cet opportunisme politique assumé – qui est présent en France, mais certainement aussi en Italie et dans le reste du monde. Il sera peut-être en mesure d’ouvrir plus rapidement les portes des prisons ou de capter l’attention de beaucoup de braves gens, mais il ne nous rendra que l’ombre des camarades que nous avons pu apprécier. Contre cet opportunisme, mieux vaut la furie iconoclaste d’un Renzo Novatore que les conseils astucieux de l’anarchiste individualiste repenti Victor Serge.

Des créatures du marécage.

Toucher au cœur

À propos des rackets sur les immigrés

Les luttes autour de la question de l’immigration, qu’il s’agisse de celles de sans-papiers pour leur régularisation, de celles autour du logement dans les quartiers pauvres, contre les rafles dans les rues et les transports ou contre les centres de rétention ont vu ces dix dernières années la participation de nombreux compagnons dans différents pays. Elles conduisent souvent à une répétition d’impasses ou à une impuissance en terme d’interventions possibles.

S’il n’existe pas de recette, il nous semble pourtant indispensable de briser certains mécanismes militants qui nous ont trop souvent amenés à lutter sur des bases activistes sans perspectives ou bien au contraire à bouger à la remorque de groupes autoritaires, avec ou sans papiers.

Ces quelques réflexions se veulent simplement un bilan d’expériences de luttes et quelques pistes pour développer une projectualité subversive qui nous soit propre, autour des migrations et contre leur gestion.

Au-delà des illusions sur « l’immigré »

Une façon classique de tenter de comprendre le contexte d’un conflit social afin d’y intervenir est de scruter à la loupe ses protagonistes et de les soumettre à des analyses sociologiques plus ou moins militantes. Outre qu’elles reviennent d’avantage à creuser ce mystérieux « qui sont-ils ? » qu’à nous interroger sur ce que nous voulons, ces analyses sont souvent biaisées par quelques dogmes qui troublent toute réflexion critique.

Si les habituels racketteurs gauchistes recherchent désespérément n’importe quel sujet politique à même de les porter à la tête d’une contestation, beaucoup d’autres s’engagent sincèrement aux côtés des sans-papiers. Mais parce qu’ils considèrent leur situation particulière comme extérieure, ils sont souvent plus portés par une indignation que par le désir de lutter avec ceux qui partagent une condition qui, si elle n’est pas totalement similaire, reste commune : l’exploitation, le contrôle policier dans la rue ou les transports, les conditions de logement dans les mêmes quartiers en voie de restructuration ou en périphérie, ou encore des illégalismes propres aux techniques de survie. Les uns comme les autres finissent alors bien souvent par reproduire toutes les séparations fonctionnelles à la domination. En recréant une figure générique de l’immigré-victime-en-lutte qui aurait ses qualités particulières, ils introduisent en effet une mystification sociologique qui non seulement finit par empêcher toute lutte commune, mais renforce encore l’emprise de l’Etat sur chacun d’entre nous.

Bien souvent, les activistes libertaires ou radicaux, pourtant mus par quelque intuition de ce qui pourrait devenir un parcours commun, ne sont pas les derniers à avaler à leur tour cette pilule au nom de leur envie de collectif ou de l’autonomie des luttes, comme si cette dernière était menée par un bloc homogène et non plus par des individus, complices potentiels, au moins face à une oppression particulière. Des méthodes de lutte (l’auto-organisation, le refus des médiations institutionnelles, l’action directe) deviennent alors soudain beaucoup plus relatives lorsqu’il s’agit de sans-papiers. Reprenant quelques classiques de la diatribe militante, il y a toujours un bon samaritain pour expliquer que fracasser la vitrine d’une compagnie aérienne d’expulseurs dans une manif de sans-papiers les mettrait « en danger », eux qui pourtant bravent quotidiennement la flicaille ; que le combat contre les fascistes (comme des membres des Loups Gris turcs), les nationalistes (comme certains réfugiés qui arrivaient lors du déchirement de l’ex-Yougoslavie) ou les curetons (de celui qui « accueille » les sans-papiers dans « son » église avant de les en expulser, aux associations chrétiennes chargées des basses œuvres de l’Etat comme la Cimade, Caritas International ou la Croix Rouge) s’arrêterait à la porte des collectifs de sans-papiers ; qu’on peut cracher à la gueule d’un ambassadeur français ou belge mais pas à celle d’un ambassadeur malien lorsqu’il vient médier une lutte qui menace de se radicaliser (idem pour tous les politiciens de gauche, généralement non grata, mais tolérés cette fois au nom de la fausse unité demandée par quelque leader de collectif de sans-papiers).

Si chacun sait qu’une lutte part toujours de l’existant et que les différences initiales y sont souvent importantes (prenons simplement le rapport aux syndicats dans la plupart des luttes liées à l’exploitation), la question pour nous est justement celle de leur dépassement dans une dynamique subversive, et ce n’est certainement pas en acceptant les divers carcans autoritaires qu’on pourra le faire, la fin étant déjà contenue dans les moyens qu’on se donne. D’autant que ce relativisme ne conduit pas à une confrontation à l’intérieur de la lutte, mais à une sorte de colonialisme à rebours, à réifier une fois encore les immigrés dans une altérité supposée (« ils » seraient comme ça). La misère servant cette fois non pas de repoussoir mais d’excuse à tous les renoncements.

L’une des figures les plus marquantes de ce réductionnisme idéologique est ainsi celle de l’ « immigré innocent », l’éternelle victime passive, exploitée, raflée, enfermée puis déportée. En réaction à une propagande raciste quotidienne qui vise à faire endosser aux immigrés le rôle d’un ennemi social coupable de tous les maux (du chômage à l’insécurité en passant par le terrorisme), beaucoup finissent de fait par leur nier toute capacité criminelle. On les voudrait tous dociles, en train de mendier leur intégration en vue d’une place un peu moins abjecte dans la communauté du capital. Ainsi, les milliers de réfugiés sont transformés en victimes bienveillantes, et donc intégrables : victimes de guerre, de catastrophes « naturelles » et de la misère, de trafiquants d’êtres humains et de marchands de sommeil. C’est pourtant oublier que ces parcours transforment aussi les individus, créant des solidarités, des résistances et des luttes qui permettent à certains de rompre la passivité à laquelle ils sont assignés.

Quand il arrive ainsi que ces « innocents » se défendent bec et ongles contre le destin qui leur est imposé ici (révoltes dans les centres fermés, affrontements lors de rafles, grèves sauvages…), c’est alors la stupéfaction et le silence gêné qui règne dans le camp de la gauche et de son antiracisme démocratique. Quand cette révolte s’exprime de manière collective, il y en aura peut-être encore pour « comprendre ces gestes de désespoir », mais quand un prisonnier boutera tout seul le feu à sa cellule, on parlera alors d’un « fou » et ça ne fera surtout pas partie de la « lutte ». On veut bien des grévistes de la faim dans une église, pas des incendiaires ou des évadés de centres fermés, on comprend des défenestrés ou des noyés, pas des raflés qui résistent à la police, on aide volontiers des parents d’enfants scolarisés, pas des voleurs célibataires. Car la révolte et les individus qui se rebellent n’entrent plus dans ce cadre sociologique de l’immigré-victime construit par la bonne conscience militante avec l’appui des parasites d’Etat universitaires.

Cette mystification empêche une compréhension plus précise de la migration et des flux migratoires. Il est clair que ces migrations sont d’abord une conséquence de la terreur économique ordinaire qu’exerce le capital et de la terreur politique des régimes en place et leur bourgeoisie locale, au plus grand bénéfice des pays riches. Cependant, il serait faux de prétendre que des prolétaires pauvres se déplaceraient vers les pays les plus riches, comme le serinent à leur tour les chœurs tiers-mondistes pour construire leur sujet de l’immigré-victime. Les migrants qui parviennent à franchir clandestinement les portes de l’Europe ne sont en effet pas forcément les plus pauvres (contraints, eux, à des migrations internes vers les villes ou vers des pays voisins au gré des fluctuations du marché et de ses désastres), rien que par le coût (pécuniaire et humain) d’un tel voyage ou la sélection culturelle et sociale au sein d’une famille de ceux/celles qui peuvent entreprendre la démarche.

Ainsi, si on cherche à comprendre tout ce qui constitue et traverse chaque individu plutôt que de figer la différence et l’altérité afin de justifier une position extérieure de « soutien », on peut découvrir toute une complexité et des rapports de classe, constatant que les collectifs de sans-papiers sont aussi composés de surdiplômés universitaires, de politiciens ratés, d’exploiteurs locaux qui ont récolté l’argent sur le dos des autres… et migrent vers cette partie du monde pour prendre la place dont ils peuvent bénéficier dans le capitalisme démocratique. Beaucoup de groupes de sans-papiers sont ainsi dominés par ceux qui détenaient déjà du pouvoir (social, politique, symbolique) ou y aspiraient. Cette différence de classe est rarement prise en compte par les compagnons qui s’engagent dans une lutte avec des sans-papiers, la langue constituant une barrière aussi infranchissable qu’elle est invisible, propulsant automatiquement les immigrés issus des classes les plus aisées dans leurs pays d’origine dans le rôle de porte-parole/interprète. Aiguiser ces contradictions de classe, à l’intérieur des regroupements de sans-papiers comme partout, est non seulement une contribution que peuvent apporter des compagnons, mais aussi l’une des conditions indispensable pour développer une solidarité réelle.

Pour comprendre ces dynamiques de lutte, il est également nécessaire de jeter à la poubelle quelques confortables illusions. Seul un déterminisme acharné pourrait en effet prétendre qu’une certaine condition sociale implique nécessairement la révolte contre celle-ci. Ce type de raisonnement offrait certes la certitude d’une révolution, certitude qui a longtemps tenu au cœur de beaucoup, tout en écartant comme aventuriste la perspective de rébellions individuelles se généralisant vers l’insurrection. La critique d’un déterminisme qui a montré sa faillite dans le vieux mouvement ouvrier vaut cependant aussi pour les prolétaires qui migrent de ce côté là du monde. Pour beaucoup d’entre eux, l’Occident est perçu comme un oasis où on peut bien vivre, tant qu’on est prêt à fournir de gros efforts. Subir des conditions d’exploitation qui ressemblent à celles qu’on a fuies, avec des patrons qui savent aussi parfois user de la fibre paternaliste de l’appartenance à une même communauté supposée, être traqué, n’avoir pas ou peu de perspectives de monter dans l’échelle sociale et vivre un racisme latent qui tente de canaliser le mécontentement des autres exploités, est une confrontation avec la réalité qui n’en est que plus rude. Face à la résignation qui peut naître de cette confrontation douloureuse, ou face à l’enfermement dans des communautés autoritaires basées par exemple sur la religion ou le nationalisme, la perspective reste alors de se lier non pas avec tous les sans-papiers de façon générique, mais avec celles et ceux qui, refusant de se conformer à leur destin d’exploité, ouvrent aussi le chemin vers l’identification de l’ennemi. Afin qu’au jeu de dupes entre l’universalisme capitaliste et les particularismes s’oppose une guerre sociale où on pourrait se reconnaître entre soi, au-delà de la question des papiers et des différents degrés d’exploitation, dans une lutte continue vers une société sans maîtres ni esclaves. Comme dans n’importe quelle autre lutte, en somme, si celle-ci n’était pas plus souvent qu’à son tour biaisée par le poids de l’affectif culpabilisant, par l’urgence d’éviter une expulsion et ses conséquences possibles et, surtout, par un rapport qui se construit souvent sur la base de l’extériorité et non pas de la révolte partagée.

L’impasse des luttes pour la régularisation

On se souvient que le tournant du nouveau siècle a été marqué par des vagues de régularisations « massives » provisoires dans plusieurs pays européens.[5] Si l’Etat suit toujours ses propres logiques, les sans papiers ont pu, par leur lutte, se frayer un passage et influencer les critères de régularisation ou accélérer leur rythme. On avait assisté au même phénomène pour des « grandes lois sociales », certaines ayant été acquises au prix du sang, d’autres pour acheter la paix sociale ou tout bonnement octroyées en fonction des besoins du capital, pour fixer la main d’œuvre et augmenter la consommation intérieure. Le débat avait alors aussi fait rage au sein de la classe ouvrière entre des revendications qui accompagnaient ou devançaient le mouvement du capital d’un côté, et les tentatives insurrectionnelles d’un autre. Nombre de révolutionnaires n’acceptaient alors ces revendications que dans un but d’agitation permanente tout en posant que la question sociale ne pourrait pas être résolue dans le cadre capitaliste.

Avant ces vagues de régularisation, les États étaient en fait partagés entre deux logiques contradictoires : d’une part l’afflux plus important d’immigrés en situation irrégulière répondait à un besoin réel de main d’œuvre flexible (bâtiment, restauration, nettoyage, agriculture, hôtellerie, domesticité) dans des économies à la population vieillissante, d’autre part cette population en partie méconnue (dans les pays d’immigration récente comme l’Espagne et l’Italie), mais surtout par nature beaucoup moins gérable, entravait la volonté drastique de gestion de l’ordre public. Si ce point a été rapidement traité, notamment par une collaboration plus étroite entre les diverses autorités (aussi bien à travers des échanges de bons services entre imams et préfets que par une répartition des tâches entre les différentes mafias immigrées et autochtones, malgré quelques premiers jeux sanglants liés à une concurrence inévitable), la question des besoins de main d’œuvre a été résolue par une corrélation plus étroite entre flux migratoires et marché du travail. Une des tendances lourdes au niveau européen semble en effet viser à une gestion au plus près, alignée en temps réel sur les besoins de l’exploitation. Cette forme qui lie strictement carte de séjour et contrat de travail pour les nouveaux arrivés vient s’ajouter à la forme classique de travail des migrants, le travail au noir, et viserait à terme à s’y substituer, dans le cadre d’une réorganisation des précarités salariées qui s’étend à tout le monde.

L’Etat a ainsi quasi tari la reconnaissance de l’asile politique, durci le regroupement familial ou l’acquisition de la citoyenneté par le mariage, supprimé les cartes de long séjour (celle de 10 ans en France), tandis qu’il étendait d’un autre côté sa main de fer sur les fichés volontaires déboutés des régularisations et s’orientait vers ce qu’un Président a défini comme une « immigration choisie ». On en revient donc au temps où les sergents-recruteurs des patrons chargeaient directement par camions entiers des immigrés dans les villages en fonction de leurs besoins. La formule moderne veut simplement une rationalisation de ce recrutement aux frontières en cogestion entre les États et les employeurs,[6] la main d’œuvre n’étant en rien destinée à rester et à s’installer. En même temps, les différents États construisent donc des camps aux frontières extérieures de l’Europe, pour ceux qui n’auront pas eu la bonne grâce d’être sélectionnés par les nouveaux négriers.

Car il y a tous les autres. Tous ceux qui se sont vu refuser le précieux sésame et ceux qui continuent d’arriver. Là se situe tout l’enjeu du changement d’échelle dans la rationalisation policière du système d’expulsion qui, pour ceux qui auront franchi le sas des zones d’attentes et le racket des passeurs et autres mafias, part des rafles, continue avec la multiplication des camps, et se termine par des déportations qui se veulent plus massives, quotas nationaux ou charters européens à la clé. Personne ne se fait pourtant d’illusions : tant que les causes économiques persisteront, et malgré tous les dispositifs du monde (comme on le voit à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis où un mur de 1200 km est en construction) qui ne font que renchérir le passage et augmenter le nombre de morts, le nombre d’immigrés sans-papiers continuera d’augmenter. Ce ne serait qu’au prix d’une multiplication des déportations que l’Etat pourrait réellement appliquer ses lois en matière d’éloignement forcé du territoire. Mais là n’est pas la question, car ces dispositifs ont pour principal objectif non pas d’expulser tous les sans-papiers, mais de terroriser l’ensemble de la main d’œuvre immigrée (celle qui est régularisée et celle qui est sélectionnée pour des durées de séjour toujours plus courtes), afin de la maintenir dans des conditions d’exploitation proches de celles qu’elle a fuies (des délocalisations internes en quelque sorte) tout en faisant pression à la baisse sur l’ensemble des conditions d’exploitation. Le prétexte raciste servant quant à lui également à déployer un arsenal de contrôle social qui touche tout le monde.

N’oublions pas non plus que quelque chose est en train de changer dans la nature même des migrations. Le capitalisme industriel déplaçait des forces de travail comme des pions sur un jeu. La logique était simple : ici on a trop de force de travail et là ils en ont besoin. S’il n’y avait pas trop de besoins, d’autres aspects de cette politique de gestion de population entraient en ligne de compte. Mais cette forme spécifique de migration s’est transformée avec les restructurations du système économique et les conséquences de la croissance industrielle. Ainsi, on commence à se rendre compte qu’il n’y a souvent plus de point de départ ni de destination. Les premiers sont dévastés par la famine, les guerres, les désastres tandis que les secondes changent continuellement. Les migrations deviennent alors plus un parcours interminable entre différents étapes ; et ne se limitent pas au passage d’un point A à un point B. Ces nouvelles formes de migration ne sont pas seulement déterminées par les besoins d’un capital toujours plus flexible et adaptable.Des millions de gens, déracinés par la dévastation des endroits où ils sont nés, errent sur cette planète, corvéables à merci. Et les dispositifs de gestion sont bien visibles : les camps humanitaires de réfugiés, les camps aux frontières, les bidonvilles et les favelas. Face à cette nouvelle donne, les luttes autour des régularisations semblent poser peu de questions…

L’exemple belge nous fournit une bonne illustration des impasses actuelles de la lutte pour des régularisations. Lorsque la tension montait en 1998 autour des centres fermés, l’Etat s’est fait à la fois lion et renard. En lion, il a déchaîné sa répression contre les secteurs les plus rebelles du mouvement (assassinat de Semira Adamu[7] qui se battait férocement à l’intérieur des centres, perquisitions et arrestations de camarades actifs dans cette lutte). En renard, il s’est engagé à négocier des régularisations avec l’autre partie du mouvement. Il est évident que réclamer des régularisations, à part que ça revient à réclamer l’intégration, requiert une certaine crédibilité, celle d’un interlocuteur reconnu. En peu de temps, c’est ainsi que ce mouvement a été torpillé. Les régularisations, qui étaient au départ une réponse de l’Etat à une tension et une agitation qui contestaient l’ensemble de sa politique en matière d’immigration (avec des slogans pour la fermeture de tous les camps ou la libre circulation), sont vite devenues le but à atteindre pour la plupart des groupes d’immigrés. Au lieu d’obliger l’Etat à concéder des régularisations par la lutte, les collectifs se sont engouffrés dans la brèche et ont entamé un dialogue suivi de négociations, attirant une armada de négociateurs professionnels et de charlatans juridiques censés résoudre les problèmes. Avec la répression d’un côté et le début d’un dialogue bureaucratique de l’autre, la dynamique était brisée, et ni les automutilations successives (comme les grèves de la faim hors des camps) ou les plus basses humiliations ne seront par la suite suffisantes pour arracher ce qui avait été à l’époque dans une certaine mesure une réponse de l’Etat à l’agitation, réponse suivie d’une rationalisation des centres fermés et d’une adaptation plus forte de l’octroi des permis de séjour aux besoins de l’économie (l’Etat leur a même attribué des couleurs différentes).

La situation actuelle, avec le cycle occupations/grèves de la faim/expulsions, nous a empêtrés ces dernières années dans des expériences de luttes qui offrent peu de possibilités de dépassement dans une perspective que nous pouvons partager : des expériences d’auto-organisation qui ne tolèrent ni politiciens ni leaders syndicaux ou religieux, d’actions directes qui permettent de créer un rapport de force réel et d’identifier l’ennemi de classe sous tous ses aspects. Ce constat nous met face au besoin et au désir de développer une projectualité subversive qui part sur nos bases plutôt que de rechercher le dépassement, qui semble toujours plus lointain, de luttes basées sur la revendication de régularisations. Cette projectualité pourrait trouver ses premiers points d’ancrage dans la révolte de fait partagée entre ceux qui luttent pour la destruction des centres et ceux qui, comme les rebelles de Vincennes et Steenokkerzeel, ont mis en acte la critique de l’enfermement et ont bouté le feu à leur prison.

Contre la machine à expulser

Face à ces difficultés surgit alors un débat qui court jusqu’à aujourd’hui, celui de la solidarité. Nombre de camarades défendent en effet la nécessité de notre présence à tout prix au sein des groupes d’immigrés, jusqu’à ce que couleuvre après couleuvre, ils finissent souvent par se retirer dégoûtés de toute lutte de ce type. Les justifications sont variées et sont souvent plus marquées par le confort des recettes sans imagination ou par l’activisme mouvementiste que par un réel désir de subversion. Là encore, si le caractère collectif d’une action n’est pas pour nous un critère, nous comprenons le besoin que peuvent ressentir certains compagnons de « rompre l’isolement ». Cependant, nous doutons que ceci passe par le fait de se retrouver dans des réunions interminables à une trentaine enfermés dans un squat ou un foyer avec des sans-papiers et des gauchistes. Nous serions plutôt enclins à développer un projet propre et nous retrouver alors sur nos bases.

Tant que la solidarité ne peut être comprise que comme rapport de soutien avec certaines catégories sociales, elle restera une illusion. Même si elle se dote de méthodes plus radicales, elle restera à la remorque d’un conflit dont ni les bases, ni les méthodes, ni les perspectives ne nous conviennent. La seule justification consiste alors à prétendre qu’en participant à ces conflits, on pourrait « radicaliser » les gens parce que leur condition sociale les amènerait à partager nos idées. Tant que ce concept de « radicalisation » sera interprété comme un travail de missionnaires qui essayent de faire avaler leurs idées aux autres, elle restera dans l’impasse qu’on voit partout gagner du terrain. La « radicalisation » peut cependant à l’inverse être comprise comme une ouverture envers d’autres, autour de notre propre dynamique, et donc en gardant l’autonomie de notre projectualité. Mais ceci exige que pour être « ensemble » dans une lutte et avancer tant au niveau des perspectives qu’au niveau des méthodes, il y ait déjà une affinité de base, une première rupture, un premier désir qui va au-delà des revendications habituelles. C’est ainsi que notre exigence de réciprocité peut prendre sens. Plutôt que de continuer un lien qui n’a d’autre raison d’être que de maintenir la fiction d’un sujet politique qui aurait, au nom de son statut de principale victime, le monopole de la raison et de donc de la lutte, il nous reste bien d’autres pistes à explorer.

Pour être plus clairs, on pourrait dire que la solidarité nécessite une reconnaissance réciproque dans les actes et/ou dans les idées. Il est en effet difficile d’être solidaire avec un sans-papier « en lutte » qui revendique sa régularisation et celle de sa famille sans être aucunement intéressé par une perspective de destruction des centres de rétention. Peut-être pourrait-on encore se retrouver de fait, mais ça serait alors sur une seule base pratique : nous n’avons pas besoin d’analyser les motifs et les perspectives qui poussent quelqu’un à se révolter pour nous reconnaître au moins en partie dans des gestes d’attaque qui s’en prennent directement aux responsables de cette misère. Il en va de même pour la plupart des luttes intermédiaires : l’intérêt de participer à un conflit dans une usine qui part sur des revendications salariales et ne déborde pas l’encadrement syndical ni ne développe le moindre germe d’action directe est très limité. Limité parce qu’il n’y a simplement pas de base sur laquelle se retrouver. Quand par contre ces mêmes ouvriers passent au sabotage (même s’ils le considèrent simplement comme un outil pour faire pression sur le patronat) ou mettent à la porte leurs délégués (même si c’est simplement parce qu’ils se sentent trahis), de nouvelles possibilités communes s’ouvrent…

Donc, au lieu d’en rester à des slogans de plus en plus vagues de « solidarité avec les immigrés / en lutte » (mais quelle lutte ?), nous pourrions développer une projectualité contre les centres de rétention avec les méthodes et les idées qui nous sont propres et qui est subversive dans le sens où elle remet en question les fondements de ce monde (l’exploitation et la domination). Cette projectualité serait alors autonome, et elle serait renforcée par et renforcerait à leur tour tous les gestes de révolte qui se démarquent vivement de la résignation généralisé. Encore une fois, s’il n’existe pas de recettes, il importe aujourd’hui de sortir des impasses d’un activisme plus ou moins humaniste qui voudrait mettre en sourdine toute autonomie radicale au profit d’une agitation qui ne ferait que suivre les échéances du pouvoir ou les logiques des seuls acteurs supposés légitimes des luttes, alors que c’est la liberté de tous qui est par exemple en jeu avec les rafles. Tout comme il importe aussi de proposer des perspectives qui, au-delà des objectifs partiels développés dans ces luttes intermédiaires, soient capables d’élargir la question en proposant un horizon qui remette enfin en question l’ensemble de ce monde et de ses horreurs, c’est-à-dire capables de poser à chaque fois la question de la domination et de l’exploitation. Les attaques diffuses seraient au cœur de cette projectualité, offrant non seulement l’avantage de dépasser l’impuissance ressentie face aux murs et aux barbelés des camps ou face à un dispositif policier qui sait s’adapter en matière de rafles et compter sur la passivité et la peur des passants, mais aussi et surtout l’intérêt de pouvoir à la fois développer notre propre temporalité, rendre vulnérables aux yeux de tous les dispositifs de la machine à expulser qui se trouvent à tous les coins de rue, et offrir des possibilités d’action réelles à tout un chacun, quel que soit le nombre.

Des internationalistes enthousiastes.

A propos des manipulations et tergiversations autour de notre compagnon Mauri

Désirant faire bonne figure et/ou se démarquer, de nombreux groupes ont écrit des communiqués sur Mauricio Morales, disant n’importe quoi sur lui, des communiqués que nous n’avons bien sûr pas publiés. Dans le texte suivant, il est question de la manipulation et des envies de se pâmer par rapport à la mort de notre frère Mauri. L’affinité avec ce communiqué est une simple coïncidence.

Au-delà de l’image grossière qu’ont voulu donner les moyens de communication de la bourgeoisie, et qui ne nous intéresse guère, ce texte a pour but de marquer les différences avec des groupes qui ont exprimé dans des communiqués[8] certaines supercheries quant aux idées de Mauri, et au moteur qui l’a poussé à l’offensive directe contre le capital.

Premièrement, il est pour nous réellement choquant de voir comment, à peine parti, un compagnon, un frère, peut se transformer en slogan. Nous savons que les circonstances de sa mort rendent ce processus inévitable, et qu’il nous faut prendre le temps de digérer cette situation. Le problème, ce n’est pas qu’on en parle –c’est même nécessaire dans ces moments-là–, mais c’est plutôt les magouilles dégoûtantes auquelles se livrent certains groupes avides de faire bonne figure. Ils se posent d’abord comme compagnons, puis se lancent dans des discours qui nous sont insupportables, et face auxquels Mauri n’aurait guère tardé à affirmer : « NOUS NE SOMMES PAS CAMARADES ! ».

On a dit de lui qu’il était un combattant social, qu’il aimait son peuple, qu’il voulait changer le monde. Eh bien, nous leur répondons qu’en réalité il haïssait cette société, et que son but était de la détruire. Nous ne prétendons pas parler pour lui, mais les raisons qui nous ont amenées à construire une affinité dans la vie et au quotidien avec lui ont précisément été des aspirations de liberté immédiate, loin de ceux qui prêchent l’attente de quelque changement dans cette société déjà pourrie par l’autoritarisme. C’est pour cela que nous déclarons avec fermeté que nous ne sommes pas « du même côté de la barricade »[9] : nous pensons que ceux qui tentent de contrôler les aspirations insurrectionnelles en les calmant avec les réformismes et en les canalisant vers l’éternel travail de conscientisation des masses travaillent directement pour le projet de la bourgeoisie.

Deuxièmement, nous croyons fermement dans l’affinité comme méthode d’action contre le Capital, et de relation réelle entre nous. Il ne nous intéresse ni de former des fédérations, ni des groupes avant-gardistes qui prétendent devenir des référents, dépassant le localisme pour se transformer en soutien d’un mouvement prolétaire mondial.[10] D’autre part, et parallèlement à cela, oui nous pensons que la révolte généralisée aura lieu comme conséquence imminente de l’évidente agressivité du capitalisme qui dévaste nos vies jusqu’à les réduire à néant. Nous savons que les instincts les plus animaux qui réclament la liberté vont se multiplier comme la peste noire, étendant la révolte partout, et que nous sentirons alors l’affinité avec toutes celles et ceux avec lesquels nous partageons le mépris de cette société. Et, complices, nous danserons ensemble sur son cadavre quand nous l’aurons détruite, sans avoir au préalable à diriger quoi que ce soit, ni à construire des relations fictives qui ne font que sublimer le pouvoir que chacun d’entre nous entretient.

Troisièmement, nous assumons la répression policière comme conséquence de l’affrontement direct et frontal que nous livrons au pouvoir bourgeois, de la même manière que nous assumons la mort de Mauri. Ni lui ni nous ne sommes des victimes. Il n’y a rien à attendre de l’Etat, et la posture de ceux qui rejettent la répression et la criminalisation du mouvement anarchiste nous semble illusoire. Qu’espèrent-ils ? Des fleurs ? Et bien, nous devons les informer qu’il ne s’agit pas ici du jeu romantique de la révolution, et que c’est une guerre qu’il nous faut livrer entièrement. Quiconque choisit le capitalisme comme ennemi doit avancer avec détermination, le pas assuré, pour ne pas trébucher sur la mort. Rappelons aussi que leur première ligne de bataille est formée par une police qui possède des armes, inutile ici d’énumérer tous les cas où ils les ont utilisées. Quiconque attaque le pouvoir doit en connaître les conséquences.

La répression a pour finalité la peur. Quand un être humain a peur, il peut potentiellement faire des choses qu’il n’imagine pas. C’est son instinct de survie qui prime. Affrontons la peur et transformons-la en action, ce n’est qu’ainsi que nous pourrons parvenir à une révolte générale qui dépasse leurs moyens répressifs. Face à eux, nous ne devons pas rester paralysés, ce serait la pire des déroutes. C’est pourquoi nous disons à ceux qui considèrent que les actions violentes contre les institutions sont contre-révolutionnaires (puisqu’elles ne feraient qu’accentuer la répression), que tout est répression, et qu’elle est aiguë depuis bien longtemps ; mais aussi que toute action, du fait de penser à la liberté jusqu’à s’arrêter de travailler, de squatter une maison jusqu’à poser une bombe, amène de la répression. Si vous la craignez, continuez à penser et à rêver l’utopie du grand soir, à élaborer une fausse critique et à rester de simples spectateurs de votre vie.

Enfin, nous saluons toutes les actions réalisées en différents endroits du monde par ceux qui ont aussi cette flamme au cœur, une flamme qui parcourt nos veines et qui nous dit chaque jour que nous sommes vivants. Que Mauri l’est aussi avec nous, puisque les morts sont ceux qui ont déjà perdu leur vie en en faisant l’offrande à cette machine appelée civilisation.

Même si tu bois la tasse, il faut continuer à nager si tu ne veux pas que le courant t’emporte…

Groupe réduit d’individus sauvages, le 3 juin 2009.

L’Anarchisme contre l’antifascisme

Depuis 1945 règne dans les pays anciennement fascistes un mythe structurant. Délivrés du joug de l’épisode fasciste de l’Etat, et aussitôt passés à l’épisode démocratique, la condition des habitants de ces pays aurait été radicalement bouleversée. Beaucoup s’en réjouissent encore aujourd’hui, une cinquantaine d’années de pacification sociale plus tard, en témoigne les nombreuses manifestations et commémorations annuelles inscrites au calendrier de tout bon Etat qui se respecte. Les exploités, les indésirables auraient alors miraculeusement changé de condition.

Ce mythe est le mythe de la libération de 45, c’est le mythe antifasciste, nous allons tenter d’en dégager quelques traits.

Il y a dans cette mythologie, comme dans toute mythologie, une illusion qui pourchasse la raison. Les indésirables exterminés, massacrés, torturés à mort sous le régime fasciste et ceux enfermés, exploités, expulsés, contaminés, génétiquement fichés sous le régime démocratique n’ont en fait jamais changé de condition, ils n’ont changé que de conditions de vie.

Chaque régime a eu ses catégories d’indésirables, parfois les mêmes. Chaque groupement humain autoritaire a possédé ses esclaves, ses ennemis, son langage spécifique, ses tendances à la domestication, sa part de servitude volontaire et son arsenal punitif. De la tribu primitive au fascisme, de la démocratie à la tyrannie. Il suffit que le principe d’autorité surgisse pour qu’un contrat plus ou moins forcé, qu’il soit « laxiste » ou entièrement coercitif, soit scellé par ceux qui détiennent le moindre pouvoir et ceux que la faiblesse matérielle et sociale encage aux confins de la domination.

Les conséquences de ce mythe sont multiples et nombreuses, elles sont tellement ancrée depuis les bagnes scolaires jusqu’aux bagnes funèbres que s’en défaire relève d’une déconstruction profonde, et pour beaucoup, douloureuse. Mais essayons tout de même de poser quelques notes sur ce sujet.

* * *

  1. Attaquer dans le but de causer des dégâts au pouvoir et jeter le désordre en son sein pour l’affaiblir tant idéologiquement que matériellement.

  2. Accentuer les conflictualités pour tracer des lignes de démarcation nettes et belliqueuses entre les partisans de la liberté sans concession et les partisans de la domination et du pouvoir.

Ces deux moyens ont toujours été de façon complémentaire et pour beaucoup d’anarchistes, des cartes à jouer pour assouvir notre faim effrénée de liberté. C’est ce qu’ont fait de nombreux anarchistes des temps pré-démocratiques sous les divers fascismes, de l’Europe (Grèce, Italie, Espagne, Portugal, France…) à L’Amérique Latine (Chili, Argentine, Guatemala…). Avec des moyens plus ou moins radicaux : du sabotage à la diffusion de tracts et de placards muraux, de l’utilisation d’engins explosifs ou incendiaires à l’édition de journaux. Beaucoup se sont élancés à corps perdu dans cette lutte, beaucoup l’ont payé au prix de leur vie ou de leur liberté, ce qui revient au même, et beaucoup d’entre eux sans ne jamais rien attendre d’autre en retour que le triomphe de l’idée anti-autoritaire.

Seulement, ils sont moins nombreux, ceux qui identifièrent leur ennemi irréconciliable avec justesse, ceux pour qui la bête immonde à abattre était le pouvoir, et non le mode de gestion du pouvoir, aussi fasciste soit-il. Peu nombreux aussi ceux qui n’ont pas baissé les armes lorsqu’en face la démocratie venait d’hériter de l’arsenal scientifique, matériel et idéologique du fascisme dans une même continuité de la domination étatique et économique.

Il y en eut qui n’abaissèrent pas les armes après la passation de pouvoir, les récits sont discrets mais nombreux. Belgrado Pedrini[11] est de ceux qui furent « bandits » sous Mussolini, parce qu’ils s’insurgèrent contre l’ordre fasciste, et « criminels » au sortir de la guerre, parce qu’ils refusèrent de s’en remettre aux autorités démocratiques issues de la Résistance. il y en avait qui, malgré le fait qu’ils n’aient pas survécu au fascisme, essayaient déjà d’attirer l’attention sur le fait que l’ennemi véritable était le pouvoir et non le fascisme, comme Severino Di Giovanni, insistant lui, sur le fait que les puissants, fascistes ou non, sont toujours les mêmes :

« Avec eux, il ne pourra jamais y avoir de réconciliation. Au même titre que les phalanges à tête de mort d’aujourd’hui, ils ont hier (oui, eux, les antifascistes d’aujourd’hui, les opposants et réfugiés politiques, ceux qui ont végété dans les marais méphitiques de la période précédente) été des maquereaux, ils ont vécu dans les coulisses du Viminal[12] ou dans les chambres du parlement, appuyant ou soutenant le régime et ses infamies. »[13]

Il leur aura fallu dissiper l’écran de fumée fasciste pour leur permettre d’identifier les jeux de pouvoirs qui derrière le rideau, tiraient les ficelles. Le fascisme est au pouvoir ce que le dialecte est au langage, un simple mode d’expression parmi d’autres, et ces autres sont la dictature, la théocratie, le communisme et la démocratie. C’est la démocratie qui de nos jours, a su se rendre le meilleur mode de gestion politique et social du capitalisme occidental. C’est aussi pour cette raison que le fascisme a fait son temps. Il ne reste de lui qu’une brumeuse nostalgie dans les esprits de quelques imbéciles bien trop isolés et inconstants pour menacer la démocratie ; qu’ils déambulent en costard de politicien ou munis d’une batte de base-ball ne semble rien changer à l’affaire. La démocratie a entériné la défaite des modes de gouvernement omni-coercitifs en occident. Si nous nous foutons de la vie des quelques fascistes d’aujourd’hui, et cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les combattre eux aussi, nous nous sentons bien plus concernés par la dégénérescence et la récupération d’un antifascisme de lutte contre le pouvoir des années pré-démocratiques par un antifascisme nouveau cru et vidé de tout sens.

* * *

Cet antifascisme là, n’est en fait rien d’autre qu’une scène culturelle, un milieu avec une identité communautaire tel que les années 80/90s ont tant su en produire : Skaters, gothiques, fans de jeux-vidéos, traders, satanistes, technophiles, new-borns, ravers, baby-boomers, véliplanchistes et je ne sais quoi d’autre encore. L’autoproclamé antifascisme est aujourd’hui devenu, comme tous ceux cités avant, un vulgaire mode de consommation collectif et éphémère. L’on est antifasciste quelques années avant de devenir trader ou mécanicien. Parfois on le reste éternellement comme d’autres dédient leurs vies à Michael Jackson, à leur collection de boite d’allumettes ou à leur travail.

Tout d’abord le code vestimentaire, du lacet au caleçon, il y a les marques conseillées et les marques bannies – le plus souvent parce qu’elles sont déjà réservées par la communauté opposée : les néo-fascistes - le gang adverse de celui des néo-antifascistes, vous suivez ? Ensuite il y a le lien social : les fêtes, les bars, squats et salles de concert attitrés, tout autant d’occasions d’éprouver son style et son charisme au devant de l’altérité intra-communautaire. Aussi la musique officielle et les allégeances collectives aux divers outils de la domestication tels que les syndicats ; l’antifasciste va choisir tel ou tel syndicat -celui que son identité communautaire lui suggère- de la même manière qu’un nationaliste corse au supermarché va choisir un fromage corse parmi une centaine d’autres. Puis une bonne dose de mythomanie, de mythologie et de peopolisation à propos des affrontements de rue avec l’ennemi fantasmé tentaculaire afin de justifier l’antifascisme au-delà de son obsolescence manifeste.

Il y en a d’autres encore, de ces éléments qui font que l’antifascisme aujourd’hui n’est plus qu’un simple loisir. Avec la mort du fascisme, on a du maintenir l’anti-fascisme sous respiration artificielle, et avec un acharnement thérapeutique sans barrières, jusqu’à ce que l’on aboutisse à cet avatar dégénéré à la fois de la société de consommation et de la nostalgie d’une lutte offensive contre le pouvoir. Alfredo Bonanno nous raconte, aprés avoir souligné l’importance de la mémoire et de la transmission des anciens qui ont combattu le fascisme les armes à la main :

« Je comprends moins ceux qui un demi-siècle plus tard et n’ayant pas vécu ces expériences (ne se trouvant donc pas prisonniers de ces émotions) empruntent des explications qui n’ont plus aucune raison d’exister et qui ne sont souvent rien de plus qu’un simple écran de fumée derrière lequel se cacher confortablement. Je suis anti-fasciste !, vous jettent-ils à la figure comme une déclaration de guerre, et vous ? »[14]

* * *

Si de nombreux révolutionnaires se tournent vers un futur trop lointain, donc impalpable, les antifascistes eux, sont tournés vers un passé tout aussi impalpable. Vers des émotions qui ont été vécues par nos anciens, les rares survivants de ces temps révolus. Si ils ont tant de choses à raconter, il n’y a pour autant plus aucun antifasciste pour les écouter. C’est que nos anciens sont des ennemis de l’État, anarchistes, qu’ils ne sont donc pas célébrés chaque année par l’État, et sont donc inconnus de tous ceux qui ne s’y sont pas intéressés de façon autonome et individuelle. C’est ainsi que nos antifascistes se tournent vers la mémoire de résistants communistes autoritaires, parfois nationalistes et parfois gaullistes. Ces mêmes résistants qui au lendemain de la guerre ont pris le pouvoir, qui ont persécuté nos compagnons. L’histoire ayant toujours été écrite par les dominants, et la curiosité et l’érudition manquant à l’appel, c’est de cette résistance mythifiée dont se pâment les antifascistes d’aujourd’hui, et nous ne parlons là que de ceux qui se réclament de l’anarchisme.

Mais ils sont nombreux et très peu à la fois, ceux qui se réclament de l’anarchisme dans le mouvement culturel antifasciste ; je m’explique. La scène artistique antifasciste d’aujourd’hui se plait à mélanger les symboles et les icônes. Souvent se trouvent côte à côte des symboles du folklore anarchiste (drapeaux noirs, A cerclés, marins révoltés de Kronstadt et autres figures historiques mis en avant pour leur héroïsme...) et des symboles dont le folklore nous rappelle les massacres et les peines d’emprisonnement anti-anarchistes : Les trois flèches de la S.F.I.O. de Jaurès et de Blum devenue logo officiel des antifascistes, les drapeaux rouges et les visages de Lénine, Mao, parfois Staline et autres bouchers compétiteurs des pires fascistes. Tant de symboles mélangés entre eux, donc vidés de tout sens. La scène culturelle antifasciste joue aujourd’hui le rôle d’un agent de confusion efficace au service de l’affaiblissement de toute clarté révolutionnaire, au service du pillage de la mémoire des anarchistes qui ont combattu le fascisme et qui n’ont pas déposé les armes lorsque la sale gueule de la démocratie pointait son nez.

Voila pourquoi nous ne sommes pas antifascistes. Notre anarchisme est de fait antifasciste puisque le fascisme n’est qu’un énième mode de gestion, certes plus violent, plus spectaculaire et plus identifiable de la domination. Mais l’anarchisme est un courant qui a toujours su identifier ses ennemis : l’Etat et la domination, qu’ils soient fascistes, antifascistes, démocrates ou communistes, ou prétendument anarchistes.[15]

Nous opposons l’anarchisme à l’antifascisme.

Collectif

[1] Fin juin 2008, une perquisition internationale a lieu aux domiciles de différents membres du groupe « secours rouge ». On leur reproche la participation à une « organisation à visée terroriste », accusation basée sur leurs liens avec le « Parti Communiste Politico-Militaire » italien, parti ayant revendiqué plusieurs attaques. L’enquête est toujours en cours sous juridiction « terroriste » et la date du jugement, n’est toujours pas connue.

[2] Appel aux fascistes, P. Togliatti, éd. Nautilus

[3] Etant donné la multiplicité de ces comités, nous n’oublions pas les particularités de chacun d’entre eux. Nous parlons ici d’une tendance générale lancée par le comité basé à Tarnac ainsi que des expériences que nous avons pu voir à l’oeuvre.

[4] Pour les flics de la pensée : Nous n’attribuons pas de valeur morale au mensonge. Nous mentons sans aucun problème aux contrôleurs, aux juges, aux flics,… et en bien d’autres situations relevant de la débrouille. Mais nous ne voulons pas mentir sur nos intentions aux personnes avec lesquelles nous nous organisons

[5] Espagne : 405 000 en 2002, 578 000 sur 691 000 en 2005. Italie : 227 000 sur 250 000 en 1998 puis 634 000 sur 705 500 en 2002. Environ 500 000 en 2006 en Angleterre. France : 81 000 sur 143 000 en 1998 puis 23 000 en 2004 et 6 000 sur 21 000 en 2006.

[6] Les quotas nationaux liant strictement immigration et travail existent en Italie depuis 1998 et en Espagne depuis 2002, sachant que ces deux pays, grands demandeurs de main d’œuvre, ont aussi procédé à deux larges régularisations collectives ces dernières années. A titre d’exemple, l’Italie a fixé par décret la venue de 252 000 travailleurs étrangers pour 2007 : 4500 Albanais, Tunisiens, Marocains, 8000 Egyptiens, 6500 Moldaves, 3500 Sri Lankais, 5000 Philippins, 3000 Bangladais, 1500 Nigérians, 1000 Ghanéens, Algériens, Sénégalais, 500 sud-américains d’origine italienne plus 80 000 ressortissants de pays ayant des accords sur l’immigration et la coopération (pays de l’ex-Yougoslavie, Inde, Pakistan, Ukraine,…) ou tout immigré ayant eu un contrat de travail lors des trois années précédentes. Quant à l’Espagne, elle a fixé pour 2008 la venue de 40 000 travailleurs étrangers pour des contrats de 4 à 9 mois : 16 200 Marocains, 12 000 Roumains, 4000 Bulgares, 3500 Polonais, 3000 Ukrainiens, 750 Sénégalais, 270 Philippins. Arguant de pénuries ponctuelles, d’autres pays européens ont déjà utilisé de tels dispositifs, comme l’Angleterre et l’Allemagne (20 000 « cartes vertes » de 5 ans maximum en 2001 pour des spécialistes des technologies de l’information). Les autres pays comme la France procèdent à des autorisations de travail basées en flux tendu sur la demande des entreprises, comme l’a encore confirmé la dernière réforme du Ceseda (code de l’entrée, séjour des étrangers et demandeurs d’asile) de 2007 et ses circulaires. Cela n’empêche bien sûr pas en plus l’introduction de quotas selon les accords bilatéraux, comme 1000 titres de séjour dans 108 métiers pour des Sénégalais en 2008. Voir aussi le cas des bureaux de travail belges au Congo ou des agences d’intérim espagnoles en Amérique du Sud.

[7] Depuis des mois, des compagnons développaient depuis l’extérieur une solidarité avec Sémira qui n’a jamais cessé de se battre et d’encourager les autres à le faire. A la quatrième tentative de déportation, les policiers qui l’escortaient l’ont assassinée avec un coussin.

[8] Nous en citerons certains, mais ces lignes s’adressent également à qui se sentira concerné sans être nommé.

[9] Communiqué du Frente de Estudiantes Libertarios (FEL), 28 mai 2009.

[10] Idée défendue par le Círculo Internacional de Comunistas Antibolcheviques - http://www.geocities.com/cica_alt/c..., auteur le 31 mai 2009 d’un texte intitulé « Communiqué par rapport à la mort de Mauricio Morales et à la campagne répressive contre le mouvement social radical à Santiago du Chili ».

[11] Condamné à mort par le fascisme, Pedrini se voit libéré en 1944 de la prison de Massa par un groupe de partisans. Condamné de nouveau en 1949, à trente ans de prison cette fois pour avoir abattu, à l’heure où c’était devenu interdit, un policier aux sympathies fascistes avérées et exproprié quelques industriels de Carrare, Milan et La Spezia, anciennement acquis au Duce, il n’en sortira qu’en toute fin de peine, au milieu des années 1970.

[12] Le palais présidentiel italien.

[13] Dans Il nostro antifascismo, extrait de Culmine N°16, 23 décembre 1926.

[14] Dans le texte Che ne facciamo dell’antifascismo ?, publié dans la revue italienne Anarchismo N°74.

[15] Comme en Espagne où les Cenetistes Juan García Oliver et Federica Montseny devinrent ministres de la Justice et de la Santé. Pour eux, la révolution sociale devait être défendue tout en maintenant l’État anti-franquiste.


Consulté le 20 septembre 2016 de infokiosques.net
La peur du conflit : "Fear of Conflict", Extrait de Willful Disobedience Vol. 1., traduction trouvée dans Guerre au Paradis N°1, 2010. La Complicité, pas la dette (base pour une solidarité anarchiste)  : "Complicity not debt", extrait de Willful Disobedience Vol. 4, No. 2, USA. Traduction trouvée dans Non Fides N°4, 2009. En quête d’allié-es ? : Texte extrait de Tout Doit Partir N°4, fevrier 2009. Lettre ouverte aux camarades français à propos des arrestations de Tarnac et pas seulement : Publié le 27 février 2009 sur informa-azione.info Lettre ouverte à quelques anarchistes italiens : Réponse publiée peu après sur Indymedia Nantes. Face à toi : Texte qui a circulé en Italie début mai 2005, traduction trouvée dans Cette Semaine N°91, 2006. Toucher au cœur : Texte extrait d’A Corps Perdu N°1, décembre 2008. À propos des manipulations et tergiversations autour de notre compagnon Mauri : Texte trouvé sur Liberación Total, le 3 juin 2009. Traduction trouvée dans le recueil Peste Noire, Autour de la mort d’un compagnon au Chili, mais pas seulement. L’Anarchisme contre l’antifascisme : Introduction de la brochure L’Anarchisme contre l’antifascisme, editée par Non Fides, 2009.